histoire » Encore hier soir, je me laissais aller à mes pleurs silencieux et à mes regrets. Lorsque je ferme les yeux, je revois les gros yeux globuleux de ma mère, son teint blafard, ses mains tremblantes. « Aide-moi. Appelle les secours. J’ai encore fait une connerie. Aide-moi sale garce ! ». Elle venait d’avaler une très forte dose d’antidépresseurs ce jour là , et pourtant mon cœur ne se serrait pas. Les larmes ne coulaient pas sur mes joues.  L’empathie ne m’habitait plus. Je n’avais en tête que les humiliations, la négligence et les marques physiques infligées par mes parents.  L’incertitude quant à mon origine. Naïve, j’étais certaine que l’attitude de mon père  à mon égard changerait si elle disparaissait pour de bon. Je me leurrais. Feignant l’indifférence, j’esquissai un sourire narquois et me raclai la gorge. « C’est à ton tour de te démerder sale morue. Est-ce que tu prends ma défense lorsqu’il me passe un savon ? Tu t’associes à lui. Et puis si tu crèves, il sera seul à cuver son vin ». Au moment où je fus prise d’hésitation, où je réalisai l’ampleur de mon geste, je m’aperçus qu’elle était déjà morte, et que je n’avais pas bougé d’un trait. Quelque part, je l’avais tuée. En conflit avec moi-même, je me laissai gagner par l’amertume et la désinvolture. Mon père crut à un malheureux suicide et nos relations s’améliorèrent, jusqu’au jour où je lui crachai la vérité au visage. Je n’arrivais plus à me regarder dans la glace. Je fis naître en lui un désir de vengeance obsessionnel. Selon lui, je devais payer le prix fort. Je devais lui donner ma vie. Ses mains s’enroulèrent autour de ma gorge. Cependant, je parvins à prendre la fuite. En tant que grand mafieux, il n’abandonna jamais sa quête. Ses hommes se lancèrent à ma recherche.

Je vécus dans la rue. C’est au long de mon parcours que je fis la rencontre de Stefan. Un orphelin. Un écorché vif, comme moi. Nous entretînmes une relation passionnelle où coexistaient la jalousie, la violence physique et verbale, un amour démesuré pour la débauche et l’héroïne. Excessifs, nous étions prêts à user de toutes les stratégies possibles dans le but de gagner un peu de blé. Et puis il fallait l’avouer, le danger nous attirait. Nous avons tout essayé, en passant par le vol, l’usurpation d’identité, la fabrication de bombes, le trafic d’armes, le trafic de drogue. Egoïstes, nous étions imperméables au monde extérieur. Au contraire, nous nous réjouissions du malheur des autres, sentant  l’adrénaline couler en nous à chaque coup bas. J’immortalisais chaque moment grâce à mon appareil photos. Mon bonheur a pris fin lorsqu’une vermine envoyée par mon père est parvenu à mettre la main sur nous, à ma sortie de taule. Et oui, je me suis fait coincer à plusieurs reprises. Il braquait son révolver sur ma tête, lorsque Stefan est venu à mon secours. Il a donné sa vie pour moi ce soir-là, et j’ai perdu l’être le plus important de mon existence. Une deuxième détonation a sifflé dans mon oreille. Je venais de commettre un deuxième meurtre. C’était de la légitime défense, même si je suis convaincue que j’aurais quand même saigné ce cinglé dans le but de venger Stefan. Je savais qu’il serait malvenu de faire appel aux forces de l’ordre. Je suis restée sur le lieu du crime jusqu’à ce que les paupières de mon amant se ferment. « Arrête de te piquer. Ils se lanceront toujours à ta recherche. Tire-toi d’ici. Trouve-toi un boulot et reprends ta vie en main ». Ses derniers mots. Je l’ai écouté. Je me suis tirée. J’ai quitté la Russie, seule au monde.

Depuis, je travaille en tant que photographe, mais je ne parviens pas à me ranger. Il est impossible d’échapper à son destin et je ne serai jamais une fille sans histoires, polie, aimante et toujours joyeuse. J’essaye quand même de faire des efforts, pour respecter ma promesse. En effet, je n’ai plus touché à l’héroïne depuis la mort de Stefan. Je vis toujours avec la peur au ventre, et j’évite de m’attacher aux gens qui m’entourent. Je sais que mon père ou les flics finiront par me retrouver. Pour cette raison, je me fais appeler Sarah, et je rêve secrètement que ce changement d’identité me transformera réellement. Parce qu’au fond, je me déteste. Il y a du chemin à faire. Et oui, je continue de me venger quotidiennement sur les autres et je m’entoure d’experts en la matière. Lorsque je suis avec Noah, j’oublie que je suis toujours en deuil et je me surpasse dans l’art de la méchanceté. Je devrais lui en vouloir, puisqu’il met à mal toutes mes bonnes résolutions. Je m’étais jurée de ne plus jamais m’attacher à qui que ce soit, et voilà que je croise le regard de Camille. La sueur perle le long de mon front, le sang me bat aux tempes. Je suis déroutée. Je prendrai un malin plaisir à le détester. D’ailleurs, j’ai déjà commencé à lancer les hostilités en réduisant en miettes son arme complètement débile.

en vrac » Elle se fait appeler Sarah. Peu de gens connaissent sa véritable identité • Son père, mafieux, la recherche activement. Il voudrait qu'elle paye pour la mort de sa mère • Cette dernière avait avalé une forte dose d'antidépresseurs, et Eleonore ne lui a pas porté secours • Elle a vécu dans la rue pendant une grande partie de sa vie • Elle a commis tous les délits possibles et s'est retrouvée en prison plusieurs fois. • Eleonore a tué un homme qui l'agressait. Celui ci était en fait envoyé par son père. C'est ce qui l'a conduit à quitter la Russie • Cet agresseur avait descendu Stefan, son premier grand amour • Aujourd'hui, elle est photographe. • Elle a arrêté l'héroïne.

caractère » Narquoise • Moqueuse • Froide • Impulsive • Passionnée • Énergique • Observatrice • Têtue • Capricieuse